Depuis 800 ans, l’Angleterre, puis par extension le Royaume-Uni, a fonctionné sans constitution écrite, construisant son appareil législatif d’après la Magnus Carta. La longévité et la solidité du système britannique met en perspective l’utilité de notre Constitution.
800 ans de la Magna Carta : cet esprit anglo saxon qui permet de vivre très bien sans constitution et avec beaucoup moins de lois qu’en France
La Constitution est construite en France et dans l’ensemble des pays européens comme le socle de la République. Comment le système britannique a pu se passer de la rédaction d’une Constitution ? L’engagement de Cameron de parvenir avant la fin de son mandat à la rédaction d’un texte fondateur est-il tenable ?
Il faut toujours se souvenir que l’histoire britannique, même dans ses périodes troublées, est une histoire sans intervention d’une armée extérieure hostile. L’histoire se déroule donc de manière continue, ce qui n’empêche pas des évolutions. Dans un colloque, il y a une quinzaine d’années, alors que les différents intervenants expliquaient le contenu de leur constitution nationale en commentant les dispositions écrites, un Lord britannique a pris la parole pour dire : "Notre Constitution, c’est l’histoire".
Tout est dit. Le caractère non écrit de la constitution britannique fait partie de l’ensemble du droit non écrit des îles britanniques.
Il faut bien comprendre que le programme de M. Cameron, annoncé par la Reine le 27 mai, ne consiste pas à préparer une constitution au sens continental du terme, c’est-à-dire un texte relatif à l’organisation des pouvoirs politiques, mais uniquement une déclaration des droits fondamentaux. Dans la plupart des pays de droit écrit (Allemagne, Italie, Espagne, France…) la constitution nationale comprend à la fois les règles concernant l’organisation des pouvoirs (chef de l’État, Parlement, Gouvernement, collectivités locales, cour constitutionnelle…) et une charte des droits et libertés. Outre-Manche, le gouvernement Cameron ne propose pas de rédiger un texte définissant de manière plus précise le rôle et les pouvoirs de la Reine ou du Parlement. Par contre l’idée d’une déclaration britannique des droits ("British Bill of Rights") s’inscrit dans la volonté des Britanniques de réduire l’influence des cours européennes, qu’il s’agisse de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg ou de la Cour de justice de l’Union européenne de Luxembourg. Les partisans de cette réforme considèrent que l’adoption d’une telle charte limiterait automatiquement les pouvoirs des deux cours européennes, ce en quoi, au regard de la jurisprudence des deux institutions, ils ont tort. Chacune d’entre elles a jugé que les dispositions de la constitution nationale ne pouvaient l’emporter sur les traités européens, tels qu’ils sont interprétés par les juridictions compétentes. Cette perspective du gouvernement Cameron doit être appréciée en combinaison avec la décision d’organiser avant la fin 2017 un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne.
Dans le discours de la Reine, le Premier ministre a pris soin de parler de "proposals", de propositions, et non de mesures ou de décisions. D’après les commentateurs britanniques il s’agit donc d’ouvrir un débat et non d’une véritable annonce avec un calendrier de réalisation. Il est probable que la suite de cette idée sera différente suivant que le référendum "maintien dans l’Union européenne" sera positif ou négatif.